L’univers foisonnant d’Icinori

❤ Coup de coeur 

Mayumi Otero et Raphaël Urwiller sont un couple, un duo et un studio de dessinateurs et d’auteurs unis sous le nom d’Icinori.

Elle est née d’un père espagnol et d’une mère japonaise, lui de parents alsaciens. Leur association graphique est empreinte d’un mélange culturel et de références multiples allant de l’imagerie imprimée ancienne et moderne, de l’art populaire sans oublier l’art contemporain. On peut ainsi retrouver dans une illustration aussi bien une référence à un tableau de grand maitre, un film d’animation, un classique de la littérature, une légende ancestrale, ou encore une sculpture contemporaine.

« Nous essayons, pour chaque nouveau travail de concilier des antagonismes très référencés, invoquer le constructivisme monolithique russe et tenter de le faire dialoguer avec la gravure baroque du XIXe, jeter la sculpture pop 70’s contre l’estampe japonaise. »

Lors de leurs études à l’École supérieure des Arts Décoratifs de Strasbourg (là où ils vivent actuellement), ils ont découvert la sérigraphie. Comme il était plus rapide d’imprimer à deux, ils se sont lancés dans une capsule expérimentale – aujourd’hui nommée Icinori –  où ils cherchent l’accident graphique qui selon eux est primordial à un travail abouti. Ils jouent avec les formats, les papiers et les techniques d’impression, ce qui donne naissance à des « livres déraisonnables ». Ils autofinancent régulièrement des éditions où ils ont une liberté totale d’expression non limitée par des contraintes de commandes.

« On cherche l’ovni graphique. »

Leur travail est axé en partie sur l’édition de jeunesse qui amène une double préoccupation : le livre doit être acheté par les parents, ils doivent donc les séduire en premier, mais c’est ensuite les enfants qui feront de leur livre un succès ou non. Et je trouve qu’ils répondent avec une grande agilité à ces deux cibles.

« Un bon conte doit parler autant à un enfant qu’à un adulte. »

Ils travaillent également pour la presse, notamment pour Le Monde, le NY Times, le Tigre, et plus ponctuellement pour les revues XXI, DADA, Forbes, Wired, Nobrow. Ils réalisent certaines commandes séparément.

Petit exercice de différenciation 

Raphaël a arrêté ses études d’ingénieur pour se lancer dans l’illustration. Il a un intérêt pour le numérique et la 3D depuis toujours, cela se traduit par un dessin brutal, un trait envolé, rapide, qui retranscrit beaucoup de mouvement. On retrouve également un rapprochement avec le dessin industriel, d’usinage, présent par des lignes claires et des éléments se référant directement à ce domaine (boulons, ouvriers, schémas).

Mayumi a un trait plus lent et appliqué, plus naïf et plus figé. Elle a un univers plus poétique et des références de légendes issues des récits de sa mère. Son mode de travail est plus de l’ordre de l’écriture et fait des listes d’idées sous forme d’une multitude de petites vignettes.

« Les illustrateurs sont des autistes, c’est peut être leur qualité mais c’est leur énorme défaut ! »

Ce duo portent un intérêt particulier à la création par le dialogue. Ce qui donne naissance à un fourmillement d’idées, un foisonnement graphique et une progression permanente. Et quand je vois le résultat, je me dis que les travaux de collaboration décuplent nos capacités, et je compte bien m’y mettre !

Un de leurs derniers projets est une édition faite pour Louis Vuitton retraçant leurs sensations d’un voyage à Séoul. Et le résultat est W A O U H . Ils nous l’expliquent dans cette vidéo :

Je finirai cet article sur une découverte que j’ai faite pendant mes recherches sur ce duo. Je suis tombée sur une de leur inspiration, un livre de 1847 : The 6 books of Euclide, du mathématicien Oliver Byrne

« Visuellement unique, imprimé en 4 couleurs, des lettrines 19e se disputent la page à des diagrames évoquant Mondrian, créant des compositions typographiques singulières. Le mode de démonstration est lui aussi original, l’objet graphique tient lieu de mot, aboutissant à des phrases surréalistes, intégrant un vocabulaire graphique constitué de rond, carrés et pointillés multicolores. Ce qui est considéré par certain comme un ratage complet au niveau pédagogique. Un livre à part. »

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